mercredi, 02 septembre 2020 11:00

Une rentrée scolaire pas comme les autres en contexte de pandémie

Jean-François Roberge, ministre de l'Éducation (Photo:gracieuseté de la Collection Assemblée nationale du Québec, Claude Mathieu photographe) Jean-François Roberge, ministre de l'Éducation (Photo:gracieuseté de la Collection Assemblée nationale du Québec, Claude Mathieu photographe)

Entrevue avec Jean-François roberge, ministre de l'éducation et député de Chambly.

Les dernières orientations du gouvernement du Québec qui guident la préparation de la rentrée scolaire 2020-2021 ont été présentées les 10 et 17 août 2020 par le ministre de l’Éducation, monsieur Jean-François Roberge. Pour l'occasion, nous avons réalisé une entrevue avec Monsieur Roberge pour connaître les derniers préparatifs de cette rentrée bien différente cette année.

Vous avez présenté votre plan de match lundi dernier le 17 août en vue de la rentrée scolaire. Quels sont les ajouts apportés pour une rentrée scolaire sécuritaire dans le respect des normes de la santé publique autant pour les élèves que le personnel scolaire ?

 

Tout d'abord, on a présenté, il y a une dizaine de jours, un plan conjoint et validé par le Ministère de la Santé, de l'Éducation et la Direction de la Santé publique pour avoir vraiment un plan qui garantisse la santé et la sécurité des élèves et du personnel. Lundi, cette semaine, on est arrivé avec un train de mesures qui nous permettent d'ajouter des ressources financières et humaines pour faire toutes les activités de rattrapage et de consultation pédagogique. Donc, je pense que ces deux plans viennent apporter tous les ingrédients nécessaires pour une belle rentrée, mais pour une belle année au complet aussi, pas seulement une belle rentrée.

 

Il y a aussi de nouvelles mesures pour soutenir la réussite éducative en contexte de pandémie de la covid-19. Comment cela va se traduire sur le terrain ?

 

D'abord, la première est un ajout de ressources financières décentralisées aux écoles. On va impliquer les équipes-école dans le choix judicieux d'utilisation de ces ressources-là davantage pour tenir compte de la réalité de chaque école : par exemple, est-ce que l'on est capable de compléter la tâche d'une technicienne en éducation spécialisée qui connaît bien les élèves vulnérables de l'école ?  Ou si on est capable de compléter la tâche d'une enseignante qui a un contrat à temps partiel pour venir enseigner a des plus petits groupes, à des élèves vulnérables, les notions qu'ils ont plus de difficulté à comprendre.

 

La seconde mesure, très importante, est l'allègement de la bureaucratie, la coupure dans la bureaucratie qui vient libérer des centaines de milliers d’heures de services professionnelles (orthophonie, orthopédagogie). Ils vont avoir plus de temps pour les élèves et qui vont pouvoir commencer à les voir plus tôt dans l'année scolaire. Ce sont vraiment les deux mesures phares, auxquelles s'ajoutent un réinvestissement majeur qui était déjà dans le budget pour donner davantage de ressources à l’ensemble du réseau.

 

Vous allouez également des budgets supplémentaires par l'embauche de ressources professionnelles et plusieurs mesures pour l'aide aux élèves en difficulté. Comment va se faire la répartition de ces budgets à travers les écoles ?

 

Comme je vous ai dit, il y a 20 millions de dollars qui sont vraiment décentralisés dans les écoles pour les équipes-école qui connaissent les élèves par leur nom et qui connaissent les besoins de chaque élève. Il y a aussi un réinvestissement qui était déjà annoncé au budget qui vient ajouter 350 ressources professionnelles de plus dans le réseau. En deux ans, ce sont 1000 ressources professionnelles de plus. Les gens qui vont travailler à temps plein et qui vont vouloir faire carrière dans le réseau pour suivre les jeunes à long terme. Centre de service par centre de service, c'est un comité de répartition des ressources avec les directions d'école qui allouent ces ressources-là école par école en fonction des besoins.

 

On sait qu'une deuxième vague approche et tout le monde s'y prépare incluant le milieu scolaire. Quelles seront les directives pour minimiser toute propagation potentielle du coronavirus ?

 

C'est là qui est si important de travailler en équipe avec le Ministère de la Santé et la Direction de la santé publique. Le succès du retour à l'école qu'on a fait, à l’extérieur du Grand Montréal au printemps, nous donnent vraiment confiance dans les mesures. D'abord, ce qui est très important, on va avoir des groupe-classes qui vont rester ensemble. Ce sont les enseignants qui vont changer de groupe même au secondaire. Les élèves vont changer de groupe beaucoup plus rarement sauf pour les cours d'éducation physique ou les cours de sciences. Généralement, les élèves de ces cours fréquentent peu les élèves des autres groupes. On garde les élèves ensemble un peu comme dans une famille. Le port du masque pour les élèves à partir de la cinquième année est aussi une mesure très importante à l’extérieur des classes, dans toutes les aires communes. Il y a aussi évidemment les consignes qu'on applique depuis déjà un certain temps comme le lavage des mains, toutes les mesures de distanciation physique. Tout cela ensemble, je pense que ça vient donner un cadre qui est rassurant.

 

Le retour à l'école sera obligatoire pour tous sauf pour les élèves qui présentent une condition médicale particulière. Que dites-vous aux parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l'école en raison de la pandémie ?

 

D'abord, je veux préciser que le retour à l'école, c'est normal que cela soit obligatoire comme cela se fait au Québec. L'école est obligatoire de 6 à 16 ans. Il y a des exceptions: un élève qui aurait une condition de santé qui l'expose de manière vulnérable à la COVID-19 ou qui habite avec un membre de sa famille à la même adresse qui présente une vulnérabilité. Cela doit être documenté par des médecins. Ensuite, on ne fait que revenir à la situation habituelle ou il y a des parents qui choisissent de prendre cette obligation de fréquentation scolaire et qui communiquent avec le Ministère de l'Éducation pour obtenir la documentation nécessaire pour faire l'école à la maison. On a droit de le faire au Québec, c'est balisé puis encadré. C'est une grande responsabilité tout à fait légale. Par contre, pour avoir le droit de faire l’école à la maison et à distance avec tous les services professionnels du réseau scolaire et du soutien des enseignants, il faut avoir une condition médicale. C'est la même chose que l'on connaît depuis des années au Québec. En ce moment, on voit qu'il y une hausse de ces demandes-là, on va voir si tous les parents vont au bout de ce projet en prenant conscience des rôles et des responsabilités de faire l'école à la maison. Malgré tout, même avec la hausse, en ce moment, on est en bas de 0,5% des enfants qui feraient l'école à la maison. On comprend que c'est quand même à la marge.

 

Dans les derniers jours, on a vu qu’un recours collectif qui se prépare avec me julius grey, à la demande d'un regroupement de parents pour avoir l'enseignement à distance comme en Ontario. Qu'en pensez-vous ?

 

Je comprends les inquiétudes des parents. On a pris le temps de consulter les directions d'école, les comités de parents, des experts de la santé publique avant de présenter un cadre clair, simple, sécuritaire et rassurant. Maintenant, il faut le faire comment ? Je pense qu’il y a beaucoup de parents qui regardent les médias et sur Internet et qui ont des inquiétudes légitimes, mais ils doivent aussi voir tout ce que le réseau de l'éducation et de la santé ont fait pour protéger leurs familles et leurs enfants. Je pense que plus que les parents vont être informés, plus ils seront nombreux à être rassurés et feront le choix d'envoyer leurs enfants à l’école.

 

Il y a quelques jours, ma collègue journaliste Martine Veillette a fait une entrevue avec Éric Gingras, président du syndicat de Champlain personnel enseignant et de soutien qui déplore le peu de temps pour déterminer les directives à l'intérieur de l'école : « le personnel va entrer à la fin août. C'est-là qu'il va tout apprendre, il restera 5 jours avant la rentrée. Que répondez-vous à monsieur Gingras ?

 

D'abord, le plan au Québec a été déposé à la mi-juin. On a été les premiers au Canada à rendre public notre plan très clairement, de la mi-juin à la mi-juillet, avant les vacances. Les enseignants tout comme le personnel et les cadres scolaires ont pu prendre connaissance du plan. Beaucoup se sont préparés. J'ai parlé avec plusieurs membres du personnel cet été et les directions d'école qui nous remerciaient d'avoir exhaussé leurs vœux et d'avoir répondu à leurs demandes. À la fin mai, les gens disaient svp déposer votre plan avant les vacances. On l'a fait. Beaucoup d'écoles ont pris de l'avance par rapport a d'autres provinces canadiennes qui ont rendu publics leurs plans au milieu des vacances. Des courriels ont été envoyés, mais les directions et les cadres étaient en vacances. Les gens ont eu le temps de se préparer en juin et on a présenté la semaine dernière quelques ajustements, mais qui ne remettaient pas en question tout le travail qui avait déjà été fait quant à notre annonce de juin même les précisions que l'on a apportées avec notre plan pédagogique, c'est en amont avec le retour au travail du personnel des écoles. Je pense que l'on est bien d'avance pour que tout le monde puisse prendre acte des plans et des ajouts de ressources.

 

Vous le savez la pénurie de main d’œuvre d'enseignants était présente bien avant la pandémie. Cela est toujours d'actualité et préoccupe à savoir si toutes les classes auront leur enseignant. Que prévoyez-vous faire dans ces situations ?

 

On a posé plusieurs gestes depuis qu'on est arrivé au gouvernement maintenant moins de deux ans. On a hérité d'un réseau de l'éducation qui était un peu dévalorisé avec une pénurie d'enseignants. Depuis ce temps-là, on a facilité l’accès à la profession. On a créé des formations passerelles pour des gens qui ont par exemple un baccalauréat en français, en littérature, en mathématiques, en sciences, en histoire. Donc, on a facilité le recrutement de ces personnes et créé des formations alternatives avec les universités. On a aussi créé des ententes avec les universités et des programmes de bourses d'excellence vraiment spécifiques en éducation pour attirer davantage de personnes. On a créé le site Internet « Devenir enseignant ». Il y aura aussi d'autres campagnes de recrutement pour valoriser la profession. On a vraiment posé plusieurs gestes. D'ailleurs, on a vu l'an passé une hausse de 7% d'étudiants dans les facultés d'éducation, en une seule année. Ça été une hausse très importante. Ceci dit, toutes les actions sont des actions qui sont parfois à court terme, parfois à moyen terme. Pour passer à travers la pénurie, ça va prendre quelques années, mais on ne peut pas faire plus que ce que l'on fait en ce moment.

 

En terminant, sur les réseaux sociaux, certains parents mentionnent leurs désirs de garder leurs enfants à la maison (malgré l'absence d'une condition médicale justifiant leur décision) soit parce qu'ils ont peur, soit parce qu'ils trouvent les mesures sanitaires trop contraignantes. Qui assurera le suivi pédagogique de ces élèves ?

 

Comme je l'ai dit, un parent a le choix de faire l'école à la maison s'il le souhaite. Il y a toute une documentation qui est disponible sur les conditions à remplir. Le parent peut s'acquitter de l'obligation de formation. Il doit cependant suivre et de voir l’ensemble du programme de formation. Donc, c'est possible de le faire. C'est contraire à l'avis des pédiatres, il faut le dire, c'est aussi contraire à l’avis du directeur de la santé publique du Québec, Monsieur Arruda, mais les parents ont ce droit et on ne peut pas bafouer la loi ou le droit des parents de garder leurs enfants à la maison. Simplement, on leur offre un milieu sain avec des enseignants. On espère que les parents vont saisir cette opportunité!

 

Collaboration spéciale David Daigle